LA CRITIQUE
« Aaaaah si la Yougoslavie était encore unie…» C’est un cri du cœur souvent proclamé par nombre de passionnés de football à chaque performance réalisée par un des nombreux pays composants l’ex-Yougoslavie.
Loïc Trégoures nous raconte dans ce livre le rôle joué par le football avant, pendant et après le conflit qui a mis fin à ce pays.
Avant parce que les tribunes de stades ont été un des haut-parleurs des revendications nationalistes ainsi qu’un vivier de recrutement des futurs protagonistes du conflit. Pendant, parce qu’il a permis le maintien de ce que l’auteur appelle une normalité sociale. Jouer au football ayant été un moyen comme un autre de vivre, un peu, comme en temps de paix. Après, enfin, quand il a été un moyen de construction parallèle des nouveaux états proclamés, notamment la Bosnie Herzégovine post accords de Dayton.
Si, aujourd’hui encore, de nombreux passionnés de foot persistent, non sans fondement, à penser qu’une sélection regroupant les meilleurs joueurs de Serbie, Monténégro, Bosnie, Slovénie et Croatie (finaliste à elle seule de la dernière coupe du monde tout de même) serait probablement un candidat au titre à chaque coupe du monde ou Euro, le livre ne s’arrête pas à cela.
En racontant comment Tudjman en Croatie et Milosevic en Serbie ont fait « monter la sauce » du nationalisme via l’instrumentation, assez largement consentie, des groupes ultras ; En racontant comment un ancien joueur comme Pedrag Pasic a créé une école de football accueillant les enfants de toutes les ethnies en plein cœur d’un Sarajevo sous les bombes ; En racontant le cheminement qui a conduit à la création d’un logo utilisant des termes serbes et croates pour la fédération Bosniaque dans un but de rassemblement et encore tout une somme d’autres aspects méconnus, l’auteur nous raconte en filigrane ce qu’était la Yougoslavie de Tito, comment elle a fini par craquer et ce que ses anciennes composantes sont devenues aujourd’hui.
Là où l’excellent livre de Gigi Riva Le dernier penalty se concentrait avant tout sur l’équipe nationale et sa place de sélection pluriethnique dans un pays en pleine autodestruction, Le football et le chaos yougoslave nous raconte lui l’histoire de la fin d’un pays, des causes aux résultats, via le prisme du football.
L’interview de Loïc Trégourès par @DidierKilkenny est à retrouver ici