Comme les garçons ? L'économie du football féminin
Le football féminin a connu une évolution lente et laborieuse. S’il connait aujourd’hui un tournant majeur après la coupe du monde 2019, évènement qui a amplement contribué à accroitre sa ...
Le football féminin a connu une évolution lente et laborieuse. S’il connait aujourd’hui un tournant majeur après la coupe du monde 2019, évènement qui a amplement contribué à accroitre sa popularité, il a soulevé aussi des questions importantes : Croissance économique, professionnalisation et égalité des salaires. Ce dernier point est celui le plus largement débattu aujourd’hui. Cependant, la structuration du football féminin et son économie sont largement méconnues ou mal maitrisées. Comme les garçons ? se veut un ouvrage didactique. Il fournit des outils de compréhension et d’analyse pour comprendre l’économie du football féminin, mais aussi des pistes de réflexion pour son développement.
Quel est point commun entre Alice Milliat, Madeleine Boll et Florence Dixie ? Elles ont contribué chacune à leur manière à l’émergence et la popularisation du football féminin. Il faudra cependant attendre des décennies avant que le football pratiqué par les femmes ne soit toléré, puis quelques années de plus pour que lui soient attribué des moyens pour survivre. Comme les garçons fait l’état des lieux, d’abord historique puis actuel à travers des données et des schémas clairs et accessibles.
Le livre
Dès la préface rédigée par Hervé Mathoux le ton est donné « Le foot féminin est en pleine mutation et il va devoir se choisir un avenir. Ce livre contribue à la compréhension de ses enjeux, sans démagogie ni militantisme. » Comme les garçons ? se veut neutre, dénué de jugements et de parti pris. Cette même idée est développée dans une introduction qui revient sur le débat des inégalités salariales sans s’aventurer à l’adresser directement.
Le livre s’ouvre sur une première partie consacrée aux origines de la pratique féminine du football. Une genèse essentielle pour la compréhension de son évolution moderne ainsi que sa structuration. Les auteurs font un travail remarquable de synthèse tout en donnant toutes les dates importantes et en revenant sur des figures emblématiques de militantes du sport. Émergence, popularisation durant la Seconde Guerre mondiale, oubli jusqu’aux années 60 puis renaissance dans les années 70, on y mesure le chemin parcouru et les obstacles surmontés jusqu’à nos jours.
Le livre se divise ensuite en plusieurs parties abordant chacune une thématique spécifique : la structuration des championnats, les budgets et leur répartition, les salaires et les transferts des joueuses et la popularité du football féminin avant de s’achever sur un épilogue consacré aux axes de développement. Chaque partie s’accompagne de schémas et d’exemples spécifiques qui loin d’alourdir le texte, en facilitent sa compréhension. La remise en contexte et les tableaux comparatifs entre différents championnats et pays offrent une vision plus large du football féminin, mais surtout mettent en lumière les possibilités de son essor. Même si l’épilogue s’y consacre, c’est tout au long de l’ouvrage que les pistes de réflexion sont distillées, notamment en ce qui concerne la professionnalisation et les modèles de rémunération : Comment l’Argentine a fixé les salaires de ses joueuses, les réformes anglaises, le modèle américain et les limites de chaque approche.
Si Comme les garçons ? s’écarte de la comparaison hommes /femmes, il y revient pour mettre en évidence les liens de dépendance économique tout en analysant les possibilités d’évolution vers l’autonomie.
Avis de la rédaction
Il était essentiel d’avoir enfin un ouvrage consacré à l’économie du football féminin, et Comme les garçons a en grande partie rempli sa mission. Le livre très didactique permet de prendre de la hauteur et d’adresser concrètement les problématiques et les défis que rencontre le football féminin. Cependant ses auteurs s’égarent inévitablement à la fin dès qu’ils contredisent leur postulat de base « pas de comparaison avec les hommes ». À trop vouloir se défaire de toute lecture sociologique et se dédouaner de tout militantisme, ils finissent non seulement dans la comparaison, mais de la pire manière possible. Ainsi dans le chapitre – peut-être le plus laborieux du livre – qui tente d’expliquer la popularité du football féminin et les différences de goût figure cette phrase « De plus, ce parallèle systématique entre le football des hommes et celui des femmes, sur lequel se fondent la plupart des études portant sur les discriminations, est parfois contre-productif, notamment en matière de jeu : en moyenne, les hommes sont biologiquement plus grands, plus puissants et plus rapides. »
Ce n’est pas la seule occurrence qu’on peut qualifier au mieux de maladroite et qui jette un discrédit sur la neutralité (un vœu pieux) revendiquée par les auteurs. Dans une conclusion ils affirment ceci : « Au-delà de la mise à l’écart historique, ces différences ne résultent pas d’une discrimination, mais plutôt de la taille du « gâteau » à partager (droits TV, billetterie, sponsoring, etc.). »
On n’attend certes pas d’un ouvrage d’économie une analyse sociologique poussée, mais il y a un pas entre l’égarement et le mépris. Surtout, il y avait peu de raisons de s’aventurer dans des sentiers que les auteurs semblent peu maitriser.
Comme les garçons ? reste tout de même un très bon ouvrage d’économie, très accessible malgré la densité des informations dont il regorge. À mettre entre les mains de tout curieux ou amateur de football féminin.
La critique de ce livre a été réalisée par @hindamood