Footporn
CRITIQUE Footporn. Un nom évocateur, une tentative osée de la part de Laurent-David Samama, essayiste qui aime mélanger les couleurs, mettre différentes disciplines en face-à-face, ...
CRITIQUE
Footporn. Un nom évocateur, une tentative osée de la part de Laurent-David Samama, essayiste qui aime mélanger les couleurs, mettre différentes disciplines en face-à-face, analyser et mettre en lien des secteurs pas si éloignés. Pour son dernier essai, l’auteur tente la comparaison, la mise en lumière d’aspects similaires entre deux mondes qui pourraient pourtant laisser penser à une distance conséquente qui les sépare : le football et la pornographie. Dans un écrit habile et malicieux, Laurent-David nous transporte d’un domaine à l’autre sans passer par quatre chemins, avec un regard avisé sur ce que sont devenus ces deux champs au fil du temps : des machines à spectacle, qui épuisent petit à petit les ressources qui faisaient son sel, les valeurs qui accrochaient les gens pour les transformer en robots, en machines infernales des temps modernes ou seules l’efficacité et la productivité font foi. Toujours plus, le charme en moins. L’auteur n’hésite pas à jouer avec les mots et notre esprit pour faire passer ses messages : « Cela ne faisait plus guère de doute, profusion d’images oblige, le football avait bel et bien quitté les rivages de l’idée romantique pour se muer en un banal produit de consommation. Il était devenu un exutoire masturbatoire, comme un robinet à images fortes qui ne cesserait plus jamais de couler. »
Trop de football tue le football, en tous cas tue l’attrait que pouvait avoir le fidèle amoureux, celui d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. L’amoureux du jeu, du dimanche, de ces parties endiablées mais séparées, par le temps, par les vents. L’amoureux qui gardait cette flamme grâce à la rareté, grâce au jeu en lui-même et non celui que l’on veut faire manger à toutes les sauces, devant tous ces écrans, le lundi, le mardi, le mercredi… Le foie gras, le gavage. Jusqu’au trop plein ? Le tremplin pris par le football (et le porno) l’amène probablement trop loin, pour tous ceux qui aimaient le suivre avec ce regard enfantin. « Vingt ans durant, il n’y eut ainsi que Thierry Roland et Jean-Michel Larqué dans ma vie, se remémore Laurent-David Samama dans son livre, beaucoup de radio et de presse écrite, et un imaginaire qui confère au football une infinie beauté. »
Alors, « la surabondance est en passe de dégoûter ceux qu’elle devait initialement contenter » ? A vouloir trop en faire, trop en mettre, l’industrie du football s’est-elle grillé les ailes ? Est-ce irréversible ? Sur qui, sur quoi s’appuyer aujourd’hui pour tenter de rallumer cette flamme innocente, vivante ? Dans ce livre, l’auteur ne cherche pas à tirer à balle réelle sur ces deux industries en cavale, mais pose les questions d’une réflexion qui cherche à comprendre, à mettre les mots sur ce qu’est devenu (ce que devient) le football, en le comparant au monde du porno qui semble prendre un virage similaire. L’abondance de forme et la réduction du fond dans ces deux domaines laissent plutôt perplexe et on s’engouffre dans cette triste réalité au cœur de cet essai. La plume et la réflexion de cet amoureux du Paris Saint-Germain nous permettent de prendre de la hauteur face à une vraie question de société.
Avec tous ces changements inhérents à cette discipline si particulière, avec cette surenchère permanente dans les contenus et les contenants, cela nous amène à « une disparition de l’idée de rareté, de mystère, donc d’érotisme et, en toute logique, de préciosité du football. » Le football va-t-il droit dans le mur, à vive allure ?
Alors à vous d’éveiller votre opinion, autour d’un bon café, avec Laurent-David Samama à vos côtés.
Critique par @Piazzooo