A l’occasion de la parution de L’entraineur français, coupable idéal ?, Livres de Foot a échangé avec l’auteur, Mourad Aerts.
Alors, déjà, d’où est partie l’idée de ce livre ?
Plusieurs choses: déjà le fait que j’ai écrit un livre sur Bielsa m’a valu quelques remarques acerbes me disant que je n’aimais que les entraîneurs étrangers. C’est une réflexion complètement conne mais j’y ai eu droit. On m’a dit que c’était anti-français, alors je voulais répondre à cette idée débile et montrer que les entraîneurs français avaient aussi des qualités.
Deuxième chose, par contre, même si je n’avais rien contre les entraîneurs français, je voyais bien qu’il y avait quelques traits communs de mentalité qui méritaient une explication argumentée.
Et enfin, je trouve que la majorité des entraîneurs français dont j’apprécie le travail ne sont pas assez mis en avant parce qu’ils n’entraînent pas de grands clubs, et je trouve ça dommage.
Et puis la Ligue 1, même si elle est assez dénigrée, moi c’est le championnat que j’ai envie de regarder. Parce que c’est mon pays, parce que l’OM joue en Ligue 1… Tu me fais choisir entre un Saint Etienne-Reims et un Fiorentina-Inter, je regarde Saint Etienne-Reims.
Ne penses-tu pas, déjà, que la presse explique assez mal le travail des entraîneurs ?
Le problème de la presse, c’est qu’elle travaille dans l’immédiateté. C’est aussi une autre raison pour lesquelles j’ai voulu faire ce livre où j’ai pu faire des entretiens assez longs avec tous les entraîneurs que j’ai interviewés. Et c’est un sujet que j’ai abordé avec chacun d’entre eux. Olivier Dall’Oglio explique dans le livre qu’il voit bien les journalistes à la fin des conférences de presse obligés de s’asseoir dans un coin de la salle de presse à taper à la va-vite leur papier en vingt minutes. Et quand on travaille dans ces conditions, il est évidemment impensable de faire de l’analyse détaillée. Donc, ce qu’on lit en général, ce sont des articles qui restent en surface.
Malgré tout, il existe de plus en plus de médias qui font un travail d’analyse plus poussé mais ce ne sont pas ceux qui ont le plus d’audience.
Mais le problème des médias majeurs qui restent sur du travail en surface, c’est que ça finit par transmettre au public cette idée selon laquelle ce travail serait suffisant et qu’on peut se contenter de ça.
Un autre problème, c’est aussi les émissions de débats. Alors elles ont certes apporté des choses positives, mais elles ont surtout apporté la culture de la punchline. Or, le problème de la punchline, c’est que ça résume les choses de façon souvent caricaturale.
Et puis, dans le cas particuliers des entraîneurs français, la plupart d’entre eux ont été sensibilisés à l’habitude de rester évasifs avec la presse sur le contenu de leur travail. On voit le cas d’un Deschamps qui refuse d’ouvrir les entraînements, qui donne des réponses évasives en conférence de presse… Donc les entraîneurs français eux-mêmes ne donnent pas à la presse les moyens d’améliorer ça.
Tu parles de Deschamps. Justement, ne penses-tu pas qu’il n’a une mauvaise image qu’à cause du fait que son football ne soit pas particulièrement agréable à regarder ? Parce que son projet a du sens, tout de même.
Il a une mauvaise image chez qui ? Chez ceux qui veulent un football attractif. Ce qui m’a marqué, c’est que la moindre esquisse de critique envers Deschamps exposée à une personnalité du football français, même si elle est minime et justifiée, tu te vois répondre systématiquement que Deschamps ne peut pas être critiqué, que c’est le big boss du foot français.
Donc il a une mauvaise image chez certains, parce que ces gens s’ennuient quand ils regardent les matchs. Après, ça ne signifie pas qu’il soit incompétent. Et même chez les gens qui critiquent son travail, on entend rarement parler d’incompétence. On critique seulement le manque de plaisir que l’on prend à regarder jouer ses équipes.
Alors on me dit souvent que les amoureux du beau jeu sont des hipsters du foot, limite une secte. Et les bielsistes, n’en parlons même pas. On nous accuse d’aimer la défaite, on est caricaturés et on serait sectaires parce qu’on aime voir du beau jeu. Mais je pense qu’il n’existe en fait pas plus sectaires que les gens qui ne voient que le résultat. Ces gens-là sont dans le dogmatisme le plus pur. On ne peut même pas dire à ces gens-là que leur équipe a mal joué mais gagné. Ce qui arrive souvent et ça fait partie du jeu. Tout s’arrête au fait de savoir qui a gagné. Donc il n’y a pas plus dogmatique que ça.
Dans le livre, Frédéric Hantz explique que la manière qu’on a de percevoir le foot est aussi liée à la qualité de ce qu’on voit autour : la qualité de la pelouse, le côté esthétique du stade. C’est quelque chose que Jonathan Wilson mettait déjà en avant dans La pyramide inversée en expliquant que le fait qu’elle soit la première filmée en couleur n’est pas pour rien dans le fait que la coupe du monde 1970 est considérée comme la plus belle de l’histoire. Tu es d’accord avec ça ?
Il y aussi en effet une histoire de packaging autour de la Ligue 1, qui fait qu’elle n’est pas considérée comme un championnat sexy. Et là, on en revient à ce qui est pour moi le grand problème du football français, ce sont ses dirigeants qui ne comprennent rien à rien. Qui font de grands stades à moitié vide au lieu d’essayer de s’adapter à leur public. Les batailles de diffuseurs aussi sont assez risibles. Et l’intérêt des longs entretiens avec les entraîneurs que je mène dans le livre, c’est aussi d’avoir d’autres pistes pour comprendre d’où peut provenir l’ennui que génère la Ligue 1. Et je suis assez d’accord avec Hantz sur ce point. Pour avoir suivi le Championship pendant les deux saisons où Bielsa y était avec Leeds, j’ai vu des matchs vraiment mauvais avec des équipes qui ne défendaient pas, c’était ennuyeux… Mais comme ça se jouait dans des stades avec un vrai charme, que c’était bien filmé et que les couleurs étaient sympas… Ben c’était pas désagréable.
Ça fait partie des réflexions que les dirigeants devraient mener. Parce qu’on blâme beaucoup les entraîneurs, mais on pourrait aussi faire des efforts sur la qualité des couleurs diffusées à la TV ou la qualité esthétique des stades. Et ne parlons même pas de la qualité des pelouses.
Dans le livre, tu interviewes Pascal Moulin, entraîneur de Jura Sud, club de National 2, qui a réussi à intégrer la formation pour le DEPF (1). Vous évoquez notamment le corporatisme des anciens joueurs pros pour devenir entraîneur au détriment d’entraîneurs issus du monde amateur comme lui ou formés dans le monde universitaire comme Nagelsmann ou Mourinho.
C’est à ça que je voulais que serve la première partie du livre. C’est-à-dire qu’on a voulu construire une famille du football français plutôt centrée sur elle-même, avec des entraîneurs quasi-exclusivement issus du terrain… Donc ça génère forcément un entre-soi. Alors certes, cet entre-soi a été utile au développement du football français. Mais il ferme aussi malheureusement des portes à des profils de coachs qui ont prouvé qu’ils étaient viables dans d’autres contextes, partout en Europe. Je pense qu’on est encore loin du moment où des entraîneurs français de L1 viendront du monde universitaire ou avec des parcours atypiques. Mais par contre, les entraîneurs actuels de L1, majoritairement anciens joueurs, se tiennent au courant de ce qui se fait ailleurs. Et ça amène quand même du progrès en L1. Mais ça reste encore très fermé au niveau des institutions, même s’il y a de petites ouvertures.
Dans un article du journal suisse Le Temps sorti en 2019, il était expliqué qu’en France, on a une méthode mais pas de discours et que l’on a pas vraiment de penseur du jeu. Il est notamment fait référence à André Menaut auquel tu te réfères souvent dans ton livre en expliquant que le côté “intellectuel du football” peut encore être assez mal vu en France.
Moi je ne suis pas d’accord avec ça. Même si je trouve que, d’une manière générale, les articles du journal Le Temps sur le football sont souvent excellents (nous aussi, ndlr). Mais je ne suis pas d’accord avec cette approche qui consisterait à dire qu’en France on n’a pas de philosophie du jeu. Mais on en a pourtant une qui est rabâchée à longueur de temps, c’est “On est bien en place, on est sérieux, on est disciplinés et peu importe le spectacle, on est là pour gagner”. Alors, c’est une philosophie, chiante, peu sexy ou tout ce que tu veux d’autre, mais c’est une philosophie. Et si on tend l’oreille à ce que racontent Aimé Jacquet ou Didier Deschamps ou même ce que racontait Georges Boulogne(2), on voit bien que cette philosophie est là et qu’elle est prégnante dans les institutions du football français. Donc il y a un vrai discours. Vouloir être solide défensivement ou prendre le dessus sur le plan physique, c’est un discours. Et ce discours et cette philosophie sont à l’œuvre depuis quarante ou cinquante ans en France. Peut-être est-ce légèrement en train de changer sous l’impulsion du foot étranger, mais elle est là. Donc, non, je ne suis pas d’accord.
Et même, ce discours et cette philosophie ont imprégné les journalistes et les supporters. Si tu prends l’exemple du fait de repartir de derrière balle au pied comme c’est en train de se généraliser en Europe depuis le Barca de Guardiola. Hé bien en conférence de presse, j’ai entendu des critiques à ce sujet. Après le final eight de ligue des champions en 2020, j’ai même entendu des journalistes marseillais poser à André Villas Boas, qui ne l’avait évidemment pas joué, une question très orientée sur le fait de savoir si ce n’était pas un peu trop risqué de construire depuis l’arrière avec les buts que ça pouvait coûter. Donc on voit bien que cette philosophie de rester bien disciplinés sans prendre de risque a même infusé chez les journalistes et les supporters. Et à la moindre défaite consécutive à un jeu un peu ambitieux, on nous rabâche le fait que le vrai football ce n’est pas ça, le football c’est gagner. Donc quand on parle d’une philosophie, on est en plein dedans. Parce qu’elle a imprégné toutes les composantes du football français.
Même à Séville 82, on a quasi unanimement regretté la défaite en parlant du fait que l’on avait pris des risques inutiles en menant 3-1. Alors qu’à l’Euro 2016, on prend un but sur une bête frappe de vingt mètres mais on a entendu que les fameux hipsters du foot dont je fais sans doute partie pour reprocher à Deschamps de ne pas avoir joué au foot.
Donc oui, il y a une philosophie du jeu en France, c’est juste qu’elle est chiante.
Est-ce que tu ne penses pas que le monde du football français, et particulièrement les entraîneurs, gagnerait à accepter plus facilement les coaches venus de l’étranger ? On a vu certains réflexes de rejet assez hallucinants au moment de l’arrivée de Bielsa ou Ancelotti en France.
Ce côté corporatiste qui a été instauré par George Boulogne reste très puissant et se fait donc de manière quasi instinctive. On peut le voir notamment au sein de l’UNECATEF (3), présidée par l’immense Raymond Domenech qui est à un niveau de trolling effarant. Je ne doute aucunement des connaissances techniques et tactiques de Domenech mais on ne peut pas tenir un discours médiatique aussi pitoyable quand on est à ce poste. Ça ne sert qu’à tenir une position corporatiste qui dit que les entraîneurs français sont maltraités, qu’on ne leur fait pas assez confiance…
D’ailleurs, à chaque fois que je discute avec une personnalité du monde du foot et que je dis que j’ai écrit un bouquin sur Bielsa, on me prend un peu de haut. On me dit même que ce sont les journalistes qui l’ont mis sur un pinacle immérité alors que je n’ai jamais vu un entraîneur en prendre plein la gueule dans les médias français comme lui.
Donc oui, il existe un côté corporatiste indéniable dans le football français. Ce qui ne signifie pas pour autant que les entraîneurs français sont mauvais. Mais ils ont ça en eux, mais il faudrait une introspection à ce sujet, notamment au sein de l’UNECATEF. Parfois la critique peut faire avancer dans le bon sens. Tout n’est pas négatif dans le football français. On produit de bons joueurs et on gagne des titres. Mais le football français doit se remettre en question sur certains sujets et le corporatisme en fait partie.
Est-ce que tu ne penses pas que le corporatisme que l’on trouve dans le monde du football français a aussi contaminé la presse ? On peut se souvenir qu’au moment de l’arrivée d’Ancelotti, il avait été mis sur le grill dès sa première semaine par Christophe Dugarry avec une mauvaise foi éhontée.
Ce qui est marrant quand on parle de ça, c’est de souvenir que le corporatisme instauré par Georges Boulogne était notamment instauré vis-à-vis de la presse. Alors je comprends un peu ta réflexion. Mais on est pas sur un corporatisme commun entre entraîneurs et médias français avec les deuxièmes qui défendraient sciemment les intérêts des premiers. Mais on en revient à cette idée de philosophie commune du football français qui imprègne tout le monde y compris les journalistes et les consultants. Quand tu bosses dans les médias pendant dix ou vingt ans à ne voir que ça, tu finis forcément par façonner ton image du foot avec cette philosophie-là. Et c’est peut-être même pire avec les consultants, comme Dugarry auquel tu fais allusion, car ils ont vécu ça de l’intérieur. Les entraîneurs qu’ils interviewent sont même parfois leurs anciens entraîneurs pour certains. Donc forcément, ils ont influé sur leur compréhension du jeu. Même si, encore une fois, des entraîneurs comme Franck Haise ou Olivier Dall’Oglio apportent de la nouveauté à ce niveau.
Justement, en parlant d’Olivier Dall’Oglio, il te fait une remarque dans le livre en t’expliquant qu’il peut être compliqué de transmettre une philosophie de jeu si les résultats ne suivent pas rapidement.
Je suis d’accord avec ça. Et les entraîneurs qui s’en tiennent à leur projet de jeu même dans la difficulté sont vraiment courageux et doivent être mis en avant tellement c’est difficile. C’est déjà d’une difficulté incroyable de mettre des idées à hauteur d’un groupe de 22 ou 24 joueurs dont certains ne joueront pas. Et si en plus tes idées ne fonctionnent pas, ça rajoute encore de la difficulté. Et on l’avait vu sur la fin de saison de Dall’Oglio à Brest. Où en plus, il y avait une dynamique qui ne facilitait pas les choses dans le sens où l’équipe se sentait plus ou moins sauvée. Ça a été la même chose pour un Alain Casanova qui, malgré des idées novatrices, a parfois dû changer son fusil d’épaule pour aller chercher rapidement des résultats qui faisaient défaut.
Tu parles aussi d’initiatives un peu “hors cadre” chez certains entraîneurs, comme notamment l’exemple de Frédéric Hantz qui a fait prendre des cours de langue corse aux joueurs lors de son passage à Bastia. Tu ne penses pas que les sarcasmes que génèrent souvent ces idées sont assez déplorables ?
On l’a en effet reproché à Hantz pendant assez longtemps. En fait, c’est surtout quelqu’un qui me semble adorer l’idée qu’un club reste attaché à ses racines locales, même avec des joueurs venus d’un peu partout. L’idée étant d’expliquer justement aux joueurs quel territoire est celui de leur club ou de leur public. Alors sans aller jusqu’à prendre des cours de langue régionale, il avait fait plus simple à Montpellier en organisant des randonnées pour leur faire découvrir l’arrière-pays. Et tous les supporters, s’ils veulent des joueurs identifiés au club, devraient tous être d’accord avec ça. Et pourtant, ces initiatives génèrent beaucoup de sarcasmes comme tu le rappelles. Et certains de ses détracteurs utilisent ça, alors que ça ne représente qu’une fraction infime de son travail, pour le faire passer pour un clown ou un illuminé.
Un exemple qui illustre bien ça, c’était une autre initiative où il avait fait faire à ses joueurs un footing le premier janvier au matin puisque le club jouait deux jours plus tard en coupe de France. Cela avait généré pas mal de critiques dans la presse. Pourtant, quand Sergio Conceicao est arrivé à Nantes, il y a eu des articles de presse qui racontaient qu’il avait fait la même chose au Portugal. Mais là, c’était présenté sous un aspect positif en expliquant que les joueurs qui voulaient se la couler douce allaient devoir travailler.
Donc en effet, il y cette manie de présenter la même chose comme des lubies quand il s’agit de coaches français et de présenter ça sous un aspect positif dès qu’il y a un entraîneur étranger en expliquant que c’est normal de les voir sortir du cadre.
Au sujet de la dichotomie entre français et étrangers, il y a cette complainte systématique selon laquelle les joueurs français sont capricieux en France mais bossent correctement dès qu’ils sont à l’étranger. Et assez bizarrement, Edouard Cissé te confirme la chose sans problème. C’est surprenant, non ?
C’est vrai que c’est un secret de polichinelle que les joueurs français bossent plus à l’étranger. Pas tellement en terme de volume horaire, mais surtout en terme d’intensité et d’application lors des entraînements. Tout le monde le sait, mais comme on est dans une forme de confort en France, on reste dans cette idée qu’il ne faut pas trop faire bosser les joueurs à l’entraînement, qu’il faut avoir un groupe uni et soudé pour gagner sans se soucier de la manière.
Tu consacres une partie du livre au FC Nantes, en faisant une comparaison avec la période du jeu à la nantaise et ses cinq coachs en quarante ans, et la période Kita où la moyenne de durée d’un coach est inférieure à une saison. N’est-ce pas un moyen de montrer que le coach n’est pas responsable de tout quand il n’y a aucune stabilité ?
Disons que plus j’avançais dans la rédaction du livre, plus je comprenais que le problème n’est pas humain mais structurel : dans la manière de former les entraîneurs, dans la façon dont les dirigeants se servent des entraîneurs et dans la manière qu’ont les dirigeants de demander aux entraîneurs de faire leur travail. A Nantes, pendant des années, les entraîneurs ont fait les choses d’une certaine manière. Puis Kita arrive et leur demande complètement autre chose. Et là, tu vois que la structure n’est plus correcte et que ça dédouane les entraîneurs. Les supporters nantais remettent d’ailleurs en cause la structure.
Je trouve ça d’autant plus déplorable que Nantes, pour moi, c’est une sorte de paradis perdu. C’était un idéal dans le football français avec une philosophie qui se transmettait décennie après décennie. Un endroit où même les joueurs qui venaient en déplacement savaient qu’ils allaient affronter un jeu collectif de qualité. Et Nantes aurait pu inspirer le reste du foot français. Mais la philosophie majoritaire en France est devenue celle de Georges Boulogne.
Parce qu’il y a eu aussi une culture du jeu de qualité en France avec Nantes, mais aussi Reims dans les années 50. Et ce football obtenait des résultats, en plus. Reims fait deux finales de coupe des clubs champions, les Bleus de 1958 font troisième du Mondial… Donc le problème des entraîneurs français est plus dû à un formatage forcé qu’à autre chose.
Une dernière réflexion que m’inspire ton livre, c’est sur les entraîneurs virés. Parce qu’au fond il apporte des pistes de réflexion à la question: “A quel moment le coach est responsable ?”
Une chose que me dit Denoueix dans le livre, c’est que normalement, le président d’un club devrait dire publiquement les objectifs de méthodes et de projet de jeu qu’il impose à un entraîneur. De fait, ça serait plus clair et on admettrait plus facilement qu’un entraîneur soit viré s’il n’a pas rempli les objectifs assignés. Comme un salarié lambda dans un emploi normal.
Il faut aussi que le président écoute ses supporters. Notamment sur les questions d’identité de jeu, comme dans le cas de Nantes. Et ce genre d’objectif devrait être clairement explicité lors de l’entretien d’embauche. Mais on est souvent flous sur les objectifs fixés à un entraîneur. Surtout qu’a contrario, si les résultats sont là, on prolonge souvent l’entraîneur, même si dans le jeu, le contenu n’est pas celui attendu. Jean-Pierre Rivère, le président niçois, me dit d’ailleurs qu’il faut d’abord définir le projet et ensuite recruter l’entraîneur. Même chose pour les supporters qui changent d’avis dès que les résultats suivent, même si le jeu n’est pas bon.
Dans le cas de Villas Boas à l’OM, il arrive au départ en se disant comme un entraîneur “non résultatiste”. Mais en quelques mois, il finit par ne parler que des résultats. Et c’était flagrant chez une large part de supporters qui le suivaient aveuglément en raison de ses résultats alors que le contenu n’était pas bon.
Les supporters et les dirigeants doivent donc exprimer clairement ce qu’ils veulent. Sinon, on continuera à virer des entraîneurs pour une transversale rentrante ou sortante.
Propos recueillis par @didierkilkenny
- – DEPF: Diplôme d’entraîneur professionnel de football. Obligatoire pour entraîner en ligue 1 et dont l’accès est très largement favorisé aux anciens joueurs pros.
- – Georges Boulogne, ancien directeur technique national dont les idées sont à l’origine de la pédagogie pour les formations d’entraîneurs.
- – UNECATEF: Union nationale des cadres techniques du football, le syndicat des entraîneurs.