Manager United - La science du leadership expliquée par les stratèges du football
À l'heure où les facteurs humains et comportementaux sont parfois mis en avant par certaines entreprises en comparaison des connaissances techniques, il semble parfois compliqué de les développer ...
À l’heure où les facteurs humains et comportementaux sont parfois mis en avant par certaines entreprises en comparaison des connaissances techniques, il semble parfois compliqué de les développer chez des salariés. Dans cet ouvrage, Ben Lyttleton explique, en se basant sur de nombreux entretiens, les méthodes employées par les cadres techniques du football pour y parvenir. Que ce soit avec des joueurs pros, ou avec des jeunes.
C’est aujourd’hui devenu un passage obligé dans les entretiens d’embauche et dans les services de ressources humaines: les « soft skills » ou compétences générales. Qu’il s’agisse de sa capacité les mettre en avant pour les candidats ou de les repérer pour les recruteurs, elles sont devenues un incontournable du monde de l’entreprise. Car s’il est évidemment possible de présenter des diplômes de plomberie, de littérature ou de comptabilité, il n’existe pas encore de BTS en créativité, de CAP en leadership ou de diplôme d’ingénieur en capacité de prise de décision.
L’objet du livre de Ben Lyttleton est donc le suivant: comment développer ces qualités humaines chez des footballeurs ? Dans quelle mesure les méthodes employées par les entraîneurs ou les formateurs pour y parvenir peuvent-elles être décalquées, ou a minima adaptées, au monde de l’entreprise classique ? Et comment quantifier avec pertinence leur efficacité ?
L’auteur a d’abord structuré son livre autour des cinq qualités humaines principales nécessaires au bon fonctionnement d’une équipe de football: cohésion, adaptabilité, prise de décision, résilience et créativité.
Ensuite, par un ensemble de cas pratiques agrémentés d’entretiens avec les divers protagonistes des cas étudiés, il a démontré l’intérêt des méthodes employées et de leur pertinence dans un contexte donné.
Car une méthode employée n’est pas toujours intrinsèquement bonne ou mauvaise. L’exemple de la variété des procédés mis en œuvre pour susciter la cohésion d’une équipe, par exemple, est là pour le prouver. L’auteur utilise deux exemples. Le premier est celui de l’Athletic Bilbao, club de tradition plus que centenaire à la cohésion forgée par un contexte culturel et une unité de lieu et de méthodes de travail à l’échelle de toutes les équipes du club. L’autre est celui de l’Östersunds FK, club parti des bas fonds du football suédois avec un manager anglais et des joueurs de toutes nationalités où il a fallu mettre en œuvre des activités non footbalistiques, souvent artistiques, pour parvenir à susciter un véritable esprit d’équipe.
L’ensemble des témoins interrogés dans le livre, dont Didier Deschamps, insistent par ailleurs sur le caractère non définitif des méthodes employées. Parce que toute méthode basée sur la psychologie doit être individuellement adaptée, mais aussi parce que les mentalités évoluent au fil du temps. On ne dirige pas un baby-boomer comme un millenial.
Par ailleurs, la force de ce livre est de ne pas s’être fermé. Si Ben Lyttleton a évidemment interrogé des entraîneurs de grands clubs comme Thomas Tuchel ou des sélectionneurs comme Didier Deschamps, il n’a aussi pas hésité à interroger des entraîneurs de jeunes comme Alex Inglethorpe (directeur du centre de formation du Liverpool FC), des entraîneurs de certains secteurs spécifiques comme Christophe Lollichon (entraîneur des gardiens de Chelsea), des universitaires comme Kathleen O’Connor (chercheuse en psychologie organisationnelle spécialisée dans le travail d’équipe) ou des psychologues du sport telle Veronika Kreitmayr (spécialiste de sciences cognitives ayant longtemps travaillé pour le département sportif de Redbull). Ces personnalités qualifiées apportent souvent des regards transverses pertinents à l’heure où de plus en plus de clubs étoffent leurs staffs avec des spécialistes de chaque domaine pour travailler sur les gains marginaux.
De toutes ces rencontres, ont découlé des méthodes scientifiques et rationnelles pour répondre à des questions que tout cadre technique, pas seulement dans le football, doit souvent résoudre de façon empirique: Comment amener les membres d’une équipe à mieux se comprendre entre eux ? Comment maîtriser ses émotions après une réussite ou un échec important ? Comment ne pas être paralysé dans sa créativité par la peur d’échouer ? Comment interpréter, pour un recruteur, le langage corporel d’une personne ?…
Par ailleurs, dans le livre, Ben Lyttleton met régulièrement en avant les analogies possibles entre ces méthodes et celles employées par les services de ressources humaines de grandes entreprises comme Google. L’idée de fond étant que l’on agit toujours sur les mêmes ressorts en travaillant sur de l’humain. Qu’il s’agisse de footballeurs ou de salariés lambda.
Manager United est donc un livre intéressant pour comprendre le facteur humain qui régit le football et auquel trop peu de médias s’intéressent. Outre qu’il permet de mieux comprendre de l’extérieur certains choix d’entraîneurs qui peuvent paraître incongrus d’un strict point de vue technique ou tactique, il permet aussi de réfléchir soi-même à son propre comportement dans une sphère non footbalistique. Un ouvrage de référence.