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ITW – Kevin Veyssière présente « Football Club Geopolitics – 22 histoires insolites pour comprendre le monde »

Votre avis sur ce livre ?

A l’occasion de la parution de Football Club Geopolitics – 22 histoires insolites pour comprendre le monde, Livres de Foot a échangé avec l’auteur, Kevin Veyssière.

 

On s’aperçoit depuis quelques années à travers divers livres qui sortent comme le tien ou Footonomics que le football est de plus en plus utilisé comme outil pédagogique.

 

Je pense que c’est valable pour d’autres sports aussi. Mais le foot demeure un sport ultra mondialisé. Avec des exemples que l’on trouve dans plein de pays pour illustrer le propos que l’on veut expliquer. Sans compter les réseaux sociaux et le flot de connaissances qu’ils permettent de faire circuler. FC Geopolitics est d’ailleurs un compte Twitter à l’origine. Moi par exemple, j’ai appris plein de choses sur la géographie grâce aux coupes du monde.

 

Donc, oui, le foot peut être un outil pédagogique et mon livre s’inscrit dans ce cadre.

 

Dans le livre, tu donnes les exemples du Groenland ou des îles Tuvalu qui essaient d’utiliser la médiatisation autour du foot pour faire médiatiser leurs causes. Tu penses que c’est vraiment efficace ?

 

Difficile à dire parce que la notoriété est un élément difficile à quantifier formellement, de même que le poids de l’image sportive par rapport à son utilisation politique. Mais la visibilité y gagne clairement. Pour prendre un cas complètement différent du Groenland ou des îles Tuvalu, le Qatar a clairement été le grand gagnant de la médiatisation d’un état par le sport ces dernières décennies. Mais au prix d’investissements conséquents que peu de pays peuvent se permettre et de trente ans d’efforts. Et même si un pays réussit à se mettre sur le devant de la scène médiatique, il faut encore réussir à faire enclencher des actions politiques concrètes derrière. Le Groenland par exemple, a certes pu faire parler de lui moyennant ses actions dans le foot et son équipe nationale. Mais sa cause avance assez peu. S’ils pouvaient intégrer les instances du sport mondial et jouer la coupe du monde ou qualifier des sportifs pour les JO, ça serait sûrement plus visible. Mais c’est compliqué.

 

Donc je pense que ça marche pour rendre visible une cause, mais que c’est insuffisant pour le reste.

 

Tu ne crois pas, dans le cas du Qatar par exemple, que se mettre trop en avant sur le plan médiatique à travers le sport, c’est aussi risquer d’exposer ses travers à la face du monde, notamment sur le sujet des droits de l’homme.

 

C’est le revers de la médaille, en effet. Jusqu’à il y a quelques années, les problèmes de droits de l’homme au Qatar étaient quasiment inexistants dans les médias. A l’inverse de l’Arabie Saoudite, par exemple. Le souci, c’est que la coupe du monde nous est toujours vendue comme un moment où l’on respecte les droits de l’homme, l’universalisme et la lutte contre les discriminations. Hors avec les révélations sur les morts des chantiers du mondial, cette vision prend du plomb dans l’aile. Donc, oui, cela peut avoir un effet dévastateur pour l’image du Qatar dans l’opinion publique voire freiner son influence sur le plan international. On pourrait comparer ça au mythe d’Icare. Où à trop vouloir s’approcher de la lumière, Icare a fini par chuter.

 

Pour l’instant, ça n’a pas trop d’impact, mais les critiques augmentent. La question des morts sur les chantiers, on l’a dit. Mais aussi celle du coût économique et climatique de ce mondial. Après cette coupe du monde, on peut supposer que la FIFA sera plus prudente avec les questions de droits de l’homme et du climat avant d’attribuer une coupe du monde. Mais comme ils cherchent sans cesse de nouveaux marchés, on peut craindre que cela place un pays comme la Chine en pôle position.

 

Ton livre semble par contre démontrer qu’intégrer les instances du foot, notamment la FIFA, reste plus simple qu’intégrer les instances internationales, comme l’ONU, notamment pour les nouveaux pays.

 

Oui, même si ça reste symbolique, il est intéressant de voir que l’intégration par le biais sportif devance souvent celle par le biais politique. D’ailleurs, les athlètes de la Croatie et du Kosovo ont été les premiers ambassadeurs de leur pays. Le Kosovo qui a d’ailleurs failli se qualifier pour l’Euro, ce qui aurait été une bonne nouvelle pour sa reconnaissance internationale. Car au niveau de l’ONU, il y a un conflit avec la Serbie, appuyée entre autres par la Russie, dotée d’un droit de veto au conseil de sécurité, au sujet de l’adhésion du Kosovo. Les instances du football, c’est plus simple d’y entrer car cela se déroule avec un simple vote sans possibilité de veto. Pour revenir à ce qu’on disait plus tôt, ça montre donc bien que le foot peut médiatiser des idées ou des combats, mais pas non plus tout régler.

 

Tu parles de la construction du foot européen comme d’une construction européenne parallèle à la construction de l’Europe politique.

 

Oui, comme l’explique le livre, la construction européenne d’après 1945 s’est faite avec une volonté d’apaisement et de construction collective, y compris avec les vaincus. A la différence de l’après 1918 qui avait été au bénéfice exclusif des vainqueurs. Donc l’idée de faire la paix par le sport et permettre l’expression des nationalismes sans conséquences néfastes étaient présentes. Or c’est dans cette même période que les coupes d’Europe de clubs et l’Euro ont vu le jour, certes à l’initiative de l’équipe et pas d’une fédération. Alors que la structuration du football sud-américain, par exemple, est bien plus ancienne. Mais la volonté de faire front, notamment auprès de la FIFA face aux sud-américains, a poussé à l’importance de l’UEFA dans une sorte de réflexe de défense des intérêts européens…comme la construction des instances politiques européennes.

 

Bien sûr, ça ne s’est pas fait sans heurt. L’exemple du match URSS-Espagne en 1960 est là pour le montrer. Mais le football avait malgré tout réussi à créer une compétition européenne, jouée avec des équipes des deux côtés du rideau de fer.

 

Tu parles dans le livre de matchs interdits pour cause de contexte géopolitique tendu. Tu ne penses pas qu’il y en a trop ? Un match comme USA-Iran en 1998, qui sentait pourtant le souffre, s’était bien déroulé, non ?

 

Ça dépend lesquels. Organiser ce genre de match à haute tension dans les Balkans, par exemple, peut être très risqué en terme de débordements. Après, l’organisation sur terrain neutre lors d’une coupe du monde ou d’un Euro peut faciliter les choses. Un match comme Salvador-Honduras, par exemple, a fini avec des morts. Mais un match comme Argentine-Angleterre en 1986 n’a pas connu de débordements majeurs autour en partie car il s’est joué au Mexique.

 

Concernant USA-Iran, je n’en parle pas dans le livre. Peut-être dans un tome 2 s’il voit le jour. Mais beaucoup de gens ont oublié que le rapprochement diplomatique était antérieur au match. Donc le match était plus un symbole de ce qui se passait sur le plan géopolitique qu’un début de rapprochement. Le rapprochement diplomatique a permis au match de se jouer, pas l’inverse.

 

Mais regarde un match comme France-Algérie en 2001, qui, sans préparation correcte, a mal fini.

 

Le foot a déjà engendré une guerre. Mais a-t-il déjà généré une réconciliation ? Comme ce qu’a permis la diplomatie du ping-pong entre Chine et Etats-unis, par exemple.

 

Je n’ai pas d’exemple à te proposer. Il faut dire que la diplomatie du ping pong, c’est quand même très improbable.

 

J’ai des cas de populations qui ont utilisé le foot pour lutter contre l’occupant, comme dans le cas de Matthias Sindelar et la Wunderteam. Je pourrais éventuellement te citer le fait qu’Israël maintient un lien avec certains pays arabes grâce aux transferts, mais ça reste anecdotique. La diplomatie du ping pong a généré un véritable rapprochement. Et je ne vois pas d’exemple similaire dans le foot.

 

 

                                               Propos recueillis par Didier Guibelin

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